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Lausanne et ses chalets : l’histoire méconnue d’une mode architecturale

Publié le 1 janvier 2025

À Lausanne, une soixantaine de chalets en milieu urbain témoignent d’une mode née au XIXe siècle. Inspirés par l’image romantique des Alpes, ces constructions atypiques marquent un trait d’union entre ville et nature. Retour sur une tendance architecturale fascinante et son influence sur l’identité culturelle suisse.

Une mode venue des montagnes

Les chalets, traditionnellement associés aux alpages suisses, ont trouvé leur place en ville à la fin du XIXe siècle. Ce phénomène, décrit par Charline Dekens, archiviste communale de Lausanne, résulte d’un « effet de mode » appelé « chalétisation ». La popularité de ces constructions a été portée par un romantisme européen idéalisant la vie en montagne, notamment grâce au roman de Jean-Jacques Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse, publié en 1761.

À l’époque, les premiers chalets étaient souvent des dépendances dans les jardins des riches demeures. Leur construction, facilitée par l’essor des entreprises locales proposant des modèles préfabriqués, a permis à de nombreux citadins de s’offrir une villa à prix abordable. Ces chalets mêlaient confort moderne et connexion avec la nature, symbolisant un refuge apaisant au cœur de la ville.

Le mini-village de Sauvabelin : un exemple emblématique

À Lausanne, le bois de Sauvabelin a été le théâtre d’une expérimentation unique à la fin du XIXe siècle. Sous l’impulsion de Charles Pflüger, entrepreneur local et membre de la Société de développement de Lausanne, un mini-village de chalets a vu le jour en 1898-1899. Ces constructions, situées à la lisière de la forêt, étaient directement inspirées des « villages suisses » exposés lors des expositions nationales et universelles de l’époque.

Le site de Sauvabelin, avec son lac artificiel et son restaurant adjacent, est rapidement devenu un lieu prisé des Lausannois en quête d’une atmosphère alpestre à proximité de la ville. Accessible grâce au funiculaire du Signal inauguré en 1899, il représentait une « station climatérique », une sorte de refuge montagnard idyllique. Ce succès témoigne de l’engouement des citadins pour cette architecture pittoresque et idéalisée à la fin du XIXe siècle.

Un héritage qui s’essouffle

Bien que la mode des chalets ait perduré dans les premières décennies du XXe siècle, elle a progressivement décliné. Les premières constructions en centre-ville, souvent des chalets-villas habités à l’année, ont cédé la place à des chalets plus modestes, construits en périphérie pour un usage de week-end ou de loisirs. Ce phénomène reflète les transformations sociales et économiques de l’époque, où les goûts architecturaux évoluaient en faveur de styles plus modernes.

Aujourd’hui, environ soixante chalets subsistent sur le territoire lausannois, vestiges d’une époque où la ville rêvait d’un lien direct avec la montagne. Ces constructions, avec leurs socles en pierre, leurs toits débordants et leurs décorations en bois découpé, incarnent une esthétique unique qui continue de fasciner, bien que leur fonction ait évolué avec le temps.

Une identité culturelle toujours vivante

Le chalet reste un symbole puissant de l’identité suisse, souvent utilisé comme outil de promotion touristique. Cette image a été façonnée par des siècles d’histoire, des récits romantiques du XVIIIe siècle aux expositions universelles du XIXe siècle. À Lausanne, bien que la « chalétisation » ne soit plus d’actualité, ces constructions rappellent une époque où architecture et nature s’entremêlaient pour répondre aux aspirations d’évasion et d’authenticité des citadins.

Alors que le patrimoine architectural de la ville continue d’évoluer, ces chalets urbains constituent un témoignage précieux des influences culturelles et sociales qui ont marqué Lausanne. Une histoire que des initiatives telles que l’animation culturelle « Ça va le chalet ? » cherchent à transmettre aux nouvelles générations. Ces programmes éducatifs, déjà proposés à des élèves du secondaire, permettent de mieux comprendre cet héritage et de préserver la mémoire d’un phénomène unique en son genre.

Entre conservation et modernité

Alors que le développement urbain continue de transformer Lausanne, les chalets restants sont soumis à des réglementations visant à préserver leur caractère original. Cependant, la pression immobilière et les besoins en logements modernes soulèvent des questions quant à leur avenir. Pour Charline Dekens, archiviste communale, ces chalets sont bien plus que de simples bâtiments : « Ils incarnent une époque, un style de vie, et un lien particulier entre la ville et la nature qu’il serait dommage de perdre. »

Entre conservation du patrimoine et adaptation aux besoins contemporains, Lausanne devra faire des choix pour protéger ces témoins d’une époque où la ville, tout en grandissant, aspirait à garder un pied dans les montagnes.

Un symbole toujours évocateur

Si la mode du chalet s’est estompée dans les constructions urbaines, son image reste profondément ancrée dans la culture suisse. Que ce soit comme emblème national ou comme représentation d’un mode de vie proche de la nature, le chalet continue d’inspirer. À Lausanne, ces constructions atypiques rappellent avec poésie que l’architecture est aussi le reflet des aspirations d’une époque. Et bien que la « chalétisation » ait disparu, les chalets lausannois, eux, continuent de raconter leur fascinante histoire.