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Les pêcheurs artisans s’opposent aux caméras embarquées

Publié le 17 janvier 2025

L’Union française des pêcheurs artisans (UFPA) a décidé de s’opposer fermement à l’obligation d’installer des caméras embarquées à bord de certains navires de pêche. Ce dispositif, imposé par un arrêté ministériel en décembre 2024, vise à limiter les captures accidentelles de dauphins dans le golfe de Gascogne. Les pêcheurs dénoncent une mesure intrusive et économiquement contraignante.

Une obligation perçue comme une surveillance injuste

Adopté le 13 décembre 2024, l’arrêté oblige 100 fileyeurs et 15 chalutiers à s’équiper de caméras embarquées d’ici octobre 2025. Ces dispositifs, associés à des effaroucheurs acoustiques et des balises, ont pour but de collecter des données précises sur les captures accidentelles de dauphins communs et d’améliorer les connaissances scientifiques sur ces incidents.

Pour les pêcheurs, cette obligation est vécue comme une atteinte à leur liberté de travail. « Les caméras ne servent qu’à nous surveiller et à nous accuser », affirme David Le Quintrec, président de l’UFPA et patron-pêcheur à Lorient. Cette mesure, perçue comme une pression supplémentaire dans un contexte déjà difficile, suscite une forte opposition dans la profession.

Une remise en question des données scientifiques

L’UFPA conteste la méthodologie et les résultats des études scientifiques ayant justifié cet arrêté. Selon les pêcheurs, les données collectées par le laboratoire Pélagis manqueraient de précision et de représentativité. « Les essais des caméras embarquées, menés depuis cinq ans, n’ont pas fourni de résultats suffisamment fiables pour imposer une telle mesure », déclare l’organisation.

Les professionnels reprochent également un manque de concertation et dénoncent l’absence de dialogue avec les décideurs. « Nous sommes les premiers concernés, mais nos avis ne sont jamais pris en compte », regrette David Le Quintrec. Cette situation renforce le sentiment d’injustice ressenti par les pêcheurs artisans, qui se disent marginalisés dans les décisions impactant leur métier.

Un recours juridique pour défendre la pêche artisanale

Le 16 janvier 2025, l’UFPA a officiellement déposé un recours en référé suspension et en référé liberté devant le Conseil d’État. L’objectif est clair : obtenir l’annulation de cet arrêté ministériel. Les pêcheurs mettent en avant plusieurs arguments, notamment la légitimité contestée de la décision, prise par Fabrice Loher, ancien ministre de la Mer, alors qu’il avait déjà quitté ses fonctions.

En outre, l’aspect économique de cette obligation inquiète fortement les marins. L’équipement en caméras et dispositifs acoustiques représente un coût élevé pour des structures déjà fragilisées par la hausse des prix des carburants et les restrictions de pêche. « Cette mesure risque de condamner de nombreux petits pêcheurs, déjà au bord du gouffre », alerte l’UFPA.

Des enjeux environnementaux et économiques opposés

Cette obligation s’inscrit dans un contexte de préservation des écosystèmes marins. Selon les ONG environnementales, plusieurs milliers de dauphins meurent chaque année dans le golfe de Gascogne à cause des captures accidentelles, un bilan jugé alarmant. Les défenseurs de la biodiversité estiment que ces mesures sont indispensables pour protéger les espèces menacées.

Pour autant, les pêcheurs artisans rappellent que leur survie économique est en jeu. Entre la perte de zones de pêche, l’augmentation des coûts et les nouvelles réglementations, ils dénoncent une accumulation de contraintes qui menacent leur mode de vie et leur métier. « Nous ne sommes pas opposés à la conservation des dauphins, mais les moyens doivent être proportionnés et discutés avec nous », insiste David Le Quintrec.

Une décision judiciaire attendue avec impatience

Le litige met désormais le Conseil d’État en position d’arbitre entre deux mondes : celui de la préservation de la biodiversité et celui de la pêche artisanale. Les juges devront statuer sur la validité de l’arrêté et sur l’équilibre à trouver entre les impératifs environnementaux et les droits des pêcheurs. Une décision en faveur des artisans pourrait suspendre temporairement l’application de la mesure, tandis qu’une validation de l’arrêté renforcerait sa mise en œuvre dès 2025.

Cette affaire illustre la complexité des enjeux liant protection de la biodiversité et survie économique des petites entreprises. Alors que les ONG plaident pour une action rapide face à l’urgence écologique, les pêcheurs appellent à des mesures adaptées et concertées. La décision du Conseil d’État pourrait bien redéfinir l’avenir de la pêche artisanale en France et l’équilibre entre écologie et économie.