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Le surtourisme en question : entre régulations et alternatives, quel avenir pour le tourisme mondial ?

Publié le 3 janvier 2025

Face à l’explosion du tourisme mondial, avec 1,5 milliard de voyageurs internationaux en 2024, les destinations emblématiques souffrent de pressions insoutenables. Entre surtourisme, fermetures de sites et nouvelles taxes, les autorités tentent de réagir, mais les solutions divisent. Des pays comme la Géorgie, la Serbie et l’Albanie offrent des alternatives durables tandis que d’autres lieux emblématiques, comme Venise ou Bali, peinent à contenir les foules.

Un tourisme mondial en croissance exponentielle : opportunité ou menace ?

En 2024, le tourisme international a atteint un sommet historique avec 1,5 milliard de voyageurs, dépassant les niveaux d’avant la pandémie. Cette croissance est alimentée par l’augmentation des classes moyennes mondiales, notamment en Chine et en Inde, ainsi que par un réseau aérien toujours plus performant. Pourtant, cette démocratisation du voyage n’est pas sans conséquences. Les émissions de gaz à effet de serre liées au tourisme progressent deux fois plus vite que celles du reste de l’économie, selon une étude parue dans Nature Communications.

Jean Viard, sociologue, y voit une opportunité : « Cela permet d’unifier la planète et de fabriquer du commun. » Mais pour d’autres experts, la situation est devenue écologiquement et socialement insoutenable. Des destinations comme Venise, Barcelone et l’Everest en sont les symboles : les infrastructures saturent, les prix explosent et les habitants manifestent leur mécontentement.

Les mesures face au surtourisme : taxes, fermetures et régulations.

Pour lutter contre le surtourisme, de nombreuses villes et pays ont opté pour de nouvelles taxes. Venise, par exemple, a instauré une taxe d’entrée de 5 euros, bien que l’efficacité de cette mesure soit contestée. À Barcelone, les autorités locales imposent également des restrictions pour limiter l’afflux touristique, tandis que Kyoto au Japon a interdit les photographies dans certaines rues privées pour protéger ses geishas des comportements intrusifs des visiteurs. Cependant, ces initiatives peinent parfois à produire les effets escomptés. Dean Long, PDG de l’Association australienne du secteur du voyage, déclare : « Il n’existe aucune preuve que les taxes touristiques réduisent le nombre de visiteurs. Cela signifie simplement que les gens dépensent moins dans cette destination. »

Dans d’autres cas, des sites sont contraints de fermer temporairement ou définitivement en raison des dégâts causés par le tourisme de masse. Le musée de Pergame à Berlin restera fermé jusqu’en 2027 pour rénovation, tandis que le Centre Pompidou à Paris fermera ses portes dès l’été 2025 pour une restauration de cinq ans. Des monuments naturels, comme la Double Arche dans l’Utah, ont disparu sous l’effet de l’érosion et de la surfréquentation.

Les alternatives émergentes : un tourisme durable et hors des sentiers battus.

Face à ces problématiques, des destinations moins connues gagnent en popularité grâce à leur engagement en faveur d’un tourisme durable et respectueux des populations locales. La Géorgie, par exemple, attire les visiteurs avec ses paysages époustouflants et son accueil chaleureux. Le pays investit massivement dans ses infrastructures, notamment autour de la ville portuaire de Batoumi, et met en avant son riche patrimoine culturel et gastronomique.

De son côté, la Serbie mise sur l’écotourisme et des initiatives locales pour promouvoir un tourisme respectueux de l’environnement. À Novi Sad, surnommée le « Gibraltar du Danube », les visiteurs peuvent découvrir un patrimoine architectural préservé tout en évitant les foules massives. L’Albanie, encore préservée du tourisme de masse, séduit avec ses plages sauvages, ses montagnes majestueuses et ses villages pittoresques, bien que l’augmentation rapide de son affluence touristique suscite des inquiétudes pour l’avenir.

La Hongrie, quant à elle, combine des sites emblématiques comme Budapest avec des trésors naturels méconnus. Les monts Mátra ou le parc national de Bükk offrent des expériences paisibles, loin des grandes foules, tout en contribuant au développement de l’économie locale. Ces destinations émergentes incarnent une alternative séduisante pour les voyageurs en quête d’authenticité et de tranquillité, tout en répondant aux défis environnementaux et sociaux posés par le tourisme de masse.

Un modèle à réinventer : vers un tourisme de qualité plutôt que de quantité.

Certains pays adoptent des approches radicales pour préserver leur patrimoine et leurs communautés. Le Bhoutan, par exemple, impose une taxe journalière de 200 dollars par visiteur, un tarif qui limite fortement l’afflux touristique. Ce choix stratégique, basé sur le principe d’un « tourisme de haute valeur et faible impact », permet de financer des infrastructures essentielles tout en protégeant l’identité culturelle du pays. Carissa Nimah, du Département du Tourisme du Bhoutan, affirme que cette politique est essentielle pour éviter que « le tourisme de masse n’érode ce qui rend le Bhoutan unique ».

À l’inverse, d’autres initiatives se concentrent sur la redistribution des flux touristiques. Encourager les visiteurs à explorer des sites moins fréquentés, en dehors des périodes de pointe, est une solution envisagée par plusieurs destinations. Toutefois, les réseaux sociaux, en mettant en avant des lieux « instagrammables », tendent souvent à concentrer les foules sur des attractions spécifiques, exacerbant encore davantage le surtourisme.

Malgré les efforts déployés, les défis restent immenses. Comment concilier les aspirations légitimes des populations locales, la préservation de l’environnement et l’essor économique généré par le tourisme ? Des experts, comme l’universitaire James Higham, soulignent que les mesures actuelles, bien qu’indispensables, restent insuffisantes face à l’ampleur du problème. « Nous devons progresser vers une industrie plus régénératrice et durable, sinon il n’y aura plus rien à offrir aux touristes », avertit-il.

Une industrie à un tournant décisif.

Alors que le nombre de touristes internationaux continue de croître, atteignant des records chaque année, le secteur du tourisme mondial est à un tournant crucial. Si certains pays réussissent à transformer les défis du surtourisme en opportunités pour encourager un tourisme plus responsable, d d’autres peinent encore à trouver un équilibre entre rentabilité économique et durabilité environnementale. La question centrale demeure : comment repenser le tourisme pour qu’il soit à la fois bénéfique pour les populations locales, respectueux des ressources naturelles et accessible aux voyageurs du monde entier ?

Les solutions passent par des politiques publiques audacieuses et des changements de mentalité chez les voyageurs. La taxation, bien que critiquée, peut financer des infrastructures adaptées et sensibiliser les touristes à leur impact. En parallèle, la promotion de destinations alternatives, comme la Serbie, l’Albanie ou encore la Géorgie, montre qu’un tourisme plus diffus et respectueux est possible. Enfin, l’intégration de pratiques écoresponsables dans l’offre touristique, comme l’écotourisme ou les voyages à faible empreinte carbone, pourrait devenir la norme.

Le défi est immense, mais il est clair qu’une transformation s’impose. Si les gouvernements, les entreprises touristiques et les voyageurs unissent leurs efforts, le tourisme peut devenir un moteur de développement durable plutôt qu’une menace pour les écosystèmes et les communautés locales. Cela nécessitera toutefois une prise de conscience collective et une volonté politique forte pour réinventer ce secteur essentiel à l’économie mondiale.